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La crise de certains partis traditionnels en France ou ailleurs, le surgissement de nouveaux mouvements aux formes d’organisation très peu structurées (type Nuit debout) ou du moins se démarquant apparemment de celles des partis (En marche, France insoumise) ont relancé le débat sur les formes d’organisation politique.

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Les formes de l’association politique ou de l’organisation politique dans l’histoire contemporaine depuis 1789 sont certes nombreuses et variées, mais elles se limitent malgré tout à quelques types connus : sociétés secrètes et conspirations, partis de divers types, ligues, mouvements, la frontière étant d’ailleurs floue entre ces deux dernières catégories. C’est la définition du mouvement qui est objectivement la plus floue. Si le petit Larousse le définit comme une « action collective visant à un changement », en insistant donc plus sur l’action que sur l’organisation, le petit Robert est un peu plus précis : « Organisation, parti qui dirige ou organise un mouvement social. » On notera qu’il n’envisage pas de mouvement politique. Ces appellations, même si elles sont issues du langage courant et sont revendiquées parfois par telle ou telle organisation politique, ont été adoptées ensuite par des historiens ou des politistes, pour classer les diverses organisations politiques.

« C’est à partir de critères objectifs extérieurs que l’on peut qualifier les organisations politiques de parti, de mouvement ou autre. »

Mais dans la grande majorité des cas, surtout actuellement, les noms des organisations politiques existantes ne font pas référence au mode d’organisation ou n’y font référence que de façon vague, et il peut exister un écart important entre la façon dont une organisation se dénomme et ce qu’elle est réellement. Actuellement en France des noms comme la République en marche, Les Républicains, Europe écologie les verts ou la France insoumise ne désignent pas une forme caractéristique d’organisation. À l’inverse, même quand un de ces noms (mouvement, par exemple) est revendiqué par une organisation, ce nom ne signifie pas que la forme d’organisation est bien celle qui correspond au nom. Le Mouvement républicain populaire dans les années 1950 était en réalité un parti politique, comme le Modem aujourd’hui. De même, la Ligue communiste était bien plus un parti qu’une ligue. Un même mot peut recouvrir des réalités très différentes. En réalité, c’est à partir de critères objectifs extérieurs que l’on peut qualifier les organisations politiques de parti, de mouvement ou autre.

De la fin du XIXe siècle à la Libération, Émergence et diversification de la forme « parti »
Un rapide parcours historique montre que si la forme parti s’est largement imposée à la fin du XIXe siècle et jusqu’à une période récente comme la forme d’organisation dominante en politique, elle n’a jamais été la seule, notamment en France, et que d’autres formes ont pu exister parallèlement. La forme parti s’est imposée en rapport étroit avec la généralisation progressive en Europe, à partir des années 1870, d’un suffrage universel ou largement étendu, qui obligeait les forces politiques à encadrer de plus près les grandes masses électorales. Dans la France de la fin du XIXe siècle et des premières décennies du XXe siècle, la forme parti était bien la forme dominante, quelle que fût d’ailleurs l’appellation : parti en général à gauche (socialiste, communiste, radical) ou autre (Fédération républicaine, Action libérale populaire…) à droite et au centre. En même temps, l’éventail des partis sans correspondre rigoureusement aux divisions de classe de la société n’en reflétait pas moins, d’une certaine façon, la société existante, les partis de gauche (socialiste, communiste) étant mieux implantés dans la classe ouvrière, la petite paysannerie et les intellectuels salariés, le Parti radical recrutant davantage dans la paysannerie propriétaire, les classes moyennes inférieures, les partis de droite ayant un plus large appui du côté des milieux les plus aisés, et recherchant moins un appui de masse que celui des notables locaux. D’autres critères recoupant les précédents jouaient aussi un rôle important comme l’attitude vis-à-vis de la religion (problème de la laïcité).

« La victoire sur la coalition nazie et la libération de l’Europe ont coïncidé avec un net renouveau et une consolidation des partis démocratiques comme forme de représentation des diverses tendances politiques. »

À côté des partis, il a existé en revanche d’autres formes d’organisation, les ligues dont la caractéristique, au départ surtout, était d’avoir un objectif nettement plus délimité. Sont apparues ainsi, dès le premier tiers du XIXe en Angleterre, la Ligue pour l’abolition des lois sur les blés et, en France plus tard, la Ligue de l’enseignement en 1866, puis à la fin du siècle la Ligue des droits de l’homme (1898). À droite, d’autres ligues sont apparues également souvent dans les milieux nationalistes (Ligue de la patrie française, Ligue des patriotes en France, Ligue pangermaniste en Allemagne).

De 1945 au début des années 1980 Consolidation et début de contestation de la forme partisane
Fait remarquable, la victoire sur la coalition nazie et la libération de l’Europe ont coïncidé avec un net renouveau et une consolidation des partis démocratiques comme forme de représentation des diverses tendances politiques. La défaite du camp fasciste a naturellement ruiné momentanément les organisations d’extrême droite qui ont dû se cantonner à des noyaux d’irréductibles. L’adoption de la représentation proportionnelle dans plusieurs pays d’Europe (Italie, France, Allemagne, Belgique) a d’ailleurs renforcé la tendance à l’organisation en partis en donnant une représentation politique à des forces minoritaires. Cette prépondérance des partis n’a cependant pas été exclusive. Et d’autres formes d’organisation ont malgré tout réapparu. La première en France est le mouvement Poujade, au départ, en 1951, mouvement de défense des commerçants et artisans qui se jugeaient persécutés par le fisc. Ce mouvement au départ corporatif, et qu’on aurait pu qualifier de ligue vu son objectif, s’est rapidement transformé en un parti politique classé à droite, qui a obtenu des résultats appréciables aux élections générales de 1956. Sa structure était autoritaire, le chef charismatique – un papetier de Saint-Céré – dirigeait le mouvement, ses méthodes recouraient occasionnellement à la violence ou du moins à la résistance aux autorités légales. L’autre formation fut le Rassemblement du peuple français (RPF) du général de Gaulle. Ce dernier affirmait vouloir dépasser le système des partis au profit d’un contact direct avec le peuple. L’objectif était de mettre fin, par des moyens qui n’étaient pas nettement définis, au régime de la IVe République dont le général de Gaulle condamnait le texte constitutionnel. Bien qu’il eût un objectif assez précis, le RPF s’éloignait de la formule ligue pour se rapprocher de celle de mouvement. Son organisation autoritaire n’était pas celle d’un parti démocratique, sa propagande était fondée sur le contact direct avec le peuple via une campagne de meetings du général de Gaulle, avec l’appui d’un service d’ordre musclé. Cependant, n’ayant pu ébranler vraiment le régime de l’extérieur, le mouvement du général de Gaulle, tout en gardant sa structure autoritaire verticale, fut contraint pour se renforcer de recourir aux épreuves électorales que ce soit lors des municipales de 1947 ou des législatives de 1951. Le RPF s’aligna donc sur les partis mais la pratique parlementaire le rendit sensible aux divisions internes, ce qui amena le général de Gaulle à mettre fin au mouvement en 1953. Globalement, la IVe République avait donc vu l’affirmation et le triomphe de la forme partisane, même si, comme on l’a vu, certains avaient tenté de dépasser celle-ci. Il en était de même dans les autres pays européens – Allemagne, Italie, Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas.

« Dans le domaine des partis existants, il restait cependant une grande opposition entre ceux qui respectaient de la base au sommet les principes démocratiques et ceux qui restaient fidèles à une organisation verticale privilégiant le pouvoir du chef. »

L’UNR, parti créé pour le soutien au général de Gaulle, prolongea le RPF en conservant une structure autoritaire, la nouveauté étant que si le parti se réclamait du soutien au nouveau chef de l’État, celui-ci en revanche se déclarait indépendant de tout parti, « au-dessus des partis ». Le recours au plébiscite qu’il adopta à plusieurs reprises tendait d’ailleurs à diminuer le rôle des partis au profit d’un contact direct du président avec le peuple.
C’est à la fin des années 1960 et au début des années 1970 qu’on assiste à un tournant plus décisif. Beaucoup de facteurs divers convergèrent alors pour modifier la situation sociale et idéologique de la France : le rajeunissement de la population française dû au baby-boom des années d’après guerre, la fin progressive des trente glorieuses et bientôt le début d’une crise de longue durée, la désindustrialisation et la tertiairisation croissantes de l’économie, l’essor des grands moyens d’information (notamment la télévision) qui modifiait le rapport des Français à la propagande politique, enfin la mise en place de l’élection présidentielle au suffrage universel, le retour en France à un fonctionnement des institutions plus conforme à la Constitution après la démission du général de Gaulle en 1969, la crise latente du monde socialiste qui pesa sur les partis communistes de l’Europe de l’Ouest.

« Il paraît prématuré d’enterrer les partis ce qui n’interdit pas de chercher à perfectionner leur organisation pour qu’elle réalise une symbiose efficace avec le mouvement populaire déterminant en dernière analyse. »

À l’occasion du grand mouvement social de 1968, tout un courant gauchiste développa des idées très hostiles aux grandes organisations politiques et syndicales existantes (PCF, CGT), accusées de bureaucratisme. En revanche, le retour à des formes plus régulières de la vie politique après le départ du général de Gaulle, la tenue de grandes consultations électorales (présidentielle de 1969, 1974, législatives de 1967, 1968, 1973, 1978), la décentralisation après 1981, amenant la création d’élections régionales, l’apparition d’élections européennes (les premières en 1979), deux nouveautés qui accroissaient sensiblement le nombre de grandes consultations, incitaient au contraire à une organisation plus poussée des forces politiques que matérialisèrent, outre la permanence d’un Parti communiste puissant, le nouveau Parti socialiste à partir de 1970, l’UDR en 1968 puis le RPR, tandis que les partis qui avaient cédé aux idées gauchisantes comme le PSU sombraient assez rapidement. Dans le domaine des partis existants, il restait cependant une grande opposition entre ceux qui respectaient de la base au sommet les principes démocratiques et ceux qui restaient fidèles à une organisation verticale privilégiant le pouvoir du chef, comme les partis gaullistes et encore bien plus le Front national de Jean-Marie Le Pen qui commence à s’affirmer comme une force politique au début des années 1980. On notera que ces formations récusaient le terme de parti au profit d’union, rassemblement, front, ce qui ne les empêchait pas d’être objectivement des partis. Globalement, cependant, les nouvelles tendances qui s’étaient esquissées à partir de 1968 n’avaient eu encore que des effets limités jusque vers 1980.

De 1980 au début des années 2000. L’élection présidentielle au suffrage universel avantage les grands partis, droite et Parti socialiste
Sur un plan général, cette époque est celle à la fois de la persistance d’un malaise économique et de la progression du chômage qui s’accompagnent de tentatives périodiques de remise en cause des acquis sociaux, d’une offensive idéologique néolibérale sans précédent qui coïncide bientôt dans le temps avec la fin du bloc socialiste de l’Est et la décomposition de l’URSS. Ce sont donc les fondements idéologiques sur lesquels reposait la France d’après guerre qui sont menacés. Sur un autre plan, les effets progressifs de l’élection présidentielle au suffrage universel commencent à se faire sentir. Ils avantagent les grands partis susceptibles d’arriver en tête au premier tour de l’élection, c’est-à-dire la droite et le parti socialiste. Testé par les sondages, le leader susceptible de s’imposer à la prochaine élection prend en leur sein une place de plus en plus importante et la coalition qui se constitue autour de lui tend à concurrencer le parti. Néanmoins, la vie politique et même l’élection présidentielle restent dominées par l’intervention des partis puisque pratiquement tous les candidats à celle-ci sont présentés ou du moins soutenus par une formation politique, seule susceptible de recueillir les parrainages nécessaires et de mener la campagne.

Du début des années 2000 à nos jours. Permanence partisane et surgissement de formes d’organisation nouvelles
On assiste alors à une percée décisive du capitalisme mondialisé et de son idéologie qui propage de façon dominante l’individualisme et la concurrence. Individualisme qu’exaltent les exemples de réussite personnelle spectaculaire dans tous les domaines (économie, show-biz, sport, etc.). Cet individualisme répond aussi au désir d’une population mieux instruite, moins soumise à la tradition familiale ou locale, plus à même de gérer son propre destin. Mais, en même temps, la société promeut dans tous les domaines des formes de massivité considérables mais ponctuelles (grands spectacles populaires en tout genre, audiences records de la télévision, meetings imposants lors des campagnes présidentielles, campagnes de solidarité à grande diffusion, etc.).

« S’il est certain qu’en France actuellement le système traditionnel des partis est ébranlé, il serait donc prématuré de prononcer un jugement définitif sur la mort des partis. »

Dans les partis traditionnels la personnalisation du leader se renforce. Elle peut être liée à l’élection présidentielle comme en France. Mais même dans un régime parlementaire, cette personnalisation peut être très forte, que ce soit en Grande-Bretagne, en Italie (avec le phénomène Berlusconi, fortement épaulé par les média lui appartenant) ou en Allemagne. À l’extrême droite, la percée que le Front national a opérée dans l’électorat a infléchi un peu ses formes d’organisation. En élargissant son audience, en participant à toutes les élections, tout en affirmant sa spécificité par rapport à toutes les autres forces politiques et en conservant en son sein le culte du leader et une structure globalement autoritaire, le Front national tend à rejoindre les formes d’action et d’organisation traditionnelles des forces politiques de droite de tradition gaulliste, en en connaissant les mêmes difficultés (luttes de clans pour le pouvoir en son sein). Notons d’ailleurs que son organisation se différencie, puisque, à côté du Front national proprement dit, a été créé le Rassemblement bleu Marine pour élargir l’audience du mouvement. Des tendances internes se sont fait jour plus ou moins organisées, que ce soit du côté de Marion Maréchal-Le Pen ou de Florian Philippot (Les patriotes).
En outre, de nouvelles formes d’action et d’organisation sont apparues qui ont pour caractéristique commune de se démarquer des partis traditionnels jugés sclérosés ou corrompus, et de proposer des formes de mobilisation souple, opposées à l’organisation partisane traditionnelle, laissant une place à la spontanéité dans des cadres nouveaux. On citera le Mouvement 5 étoiles en Italie, Podemos en Espagne, la France insoumise et malgré certaines différences notables En marche en France. Une seule caractéristique commune les réunit vraiment, c’est le rôle d’un leader charismatique ou tribunitien essentiel dans le succès de ces mouvements et parfois revendiqué en théorie. Il est donc nécessaire de bien voir ce qui les rassemble et ce qui les distingue.
La France insoumise est issue d’un parti, le Parti de gauche, ou du moins de son leader, dans la perspective de l’élection présidentielle de 2017. Jean-Luc Mélenchon, politicien professionnel de longue date, ancien ministre, ancien sénateur et député européen, passé par plusieurs partis avait déjà été candidat à la présidentielle de 2012, alors comme représentant du Front de gauche, ce qui avait assis sa notoriété. Quant à Emmanuel Macron, c’est en participant au gouvernement en tant que ministre de l’Économie qu’il s’est fait connaître de l’opinion. Le succès de ces deux derniers mouvements en France repose sur l’utilisation à fond de la logique de l’élection présidentielle. Il coïncide aussi sur le plan temporel avec une crise sans précédent des partis de gouvernement traditionnels, le PS miné par la politique suivie par le président Hollande, la droite profondément divisée et affaiblie par le choix d’un candidat contesté, François Fillon. Il a donc un aspect conjoncturel.

« Si ces mouvements affirment généralement contester la forme partisane, la forme d’organisation qu’ils préconisent est pour l’instant encore assez vague »

La pratique des mouvements repose sur l’appel au renouvellement du personnel politique grâce à un apport venant de ce qu’on appelle la société civile, c’est-à-dire au fond la population à l’exception du personnel politique. Si ces mouvements affirment généralement contester la forme partisane, la forme d’organisation qu’ils préconisent est pour l’instant encore assez vague. Dans la France insoumise, l’adhérent est plutôt ce qu’on appellerait ailleurs un sympathisant. L’organisation récuse en tout cas les formes habituelles de représentation interne des partis en recourant à d’autres méthodes (tirage au sort des sympathisants, par exemple). La direction étant supposée légitime par son existence même ne saurait être contestée. C’est elle qui fixe la charte que doivent approuver les candidats à la députation et qui, le cas échéant, tranche sur les candidatures. Chez Emmanuel Macron, l’organisation du mouvement s’est limitée jusqu’ici pour l’essentiel à la préparation des élections et reste à définir. Elle a fait jusqu’ici une place essentielle à la cooptation par un petit noyau de dirigeants. Il est très vraisemblable en tout cas que le président y occupera une place essentielle.
Il est probable que la structure très verticale de ces mouvements devra faire place à davantage de démocratie interne. On peut donc prédire que la forme « mouvement » – sauf en cas de dépérissement – s’inspirera progressivement de celle des partis, peut-être avec un peu plus de souplesse.

Les mouvements remplaceront-ils les partis ?
La domination des partis a duré jusqu’aux dernières années du XXe siècle et, si elle est actuellement contestée et ébranlée, elle est loin d’être à bout de course. Encore aujourd’hui, si l’on jette un regard sur le monde, les partis politiques, même s’ils sont de formes diverses, occupent l’essentiel du terrain dans la vie politique, que ce soit en Italie, en Grande-Bretagne (travaillistes et conservateurs) en Espagne (Parti populaire, PSOE), en Allemagne (CDU, SPD, Die Linke), en Russie (Russie unie, PC), aux États-Unis (républicains et démocrates). Il faut interroger les raisons qui expliquent cette permanence et cette force de la structure partisane. On peut avancer un certain nombre d’explications. Certaines sont historiques. Tout d’abord, l’héritage partisan pèse évidemment dans le sens de la continuité. Certains partis européens datent de presque un siècle ou même beaucoup plus (partis communistes, social-démocratie allemande), d’autres, s’ils sont nés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale comme la CDU allemande, avaient en réalité des antécédents datant des années 1870. Les facteurs de renouvellement des partis sont d’autant plus faibles que le régime politique ne change pas et, à cet égard, des pays comme les États-Unis, l’Allemagne (depuis 1945), ou la Grande-Bretagne sont caractérisés par une grande permanence de leurs partis. Mais on doit noter aussi que de nombreux partis nouveaux sont apparus, répondant à des nouvelles opportunités, soit parce qu’un problème nouveau comme l’écologie s’imposait à l’opinion (en Allemagne) ou bien à l’occasion d’une crise politique comme cela a été le cas en Italie dans les années 1990, en France en 1958, en Russie après la chute du communisme. De nouveaux partis sont nés également sur une base nationaliste (Ligue du Nord en Italie, Parti nationaliste écossais). L’hostilité à la construction européenne et à ses conséquences a favorisé l’émergence de partis nationalistes d’extrême droite dans de nombreux pays européens. Dans le cadre de l’Union européenne, aux partis nationaux se sont ajoutés les partis politiques européens, regroupement de partis nationaux qui sont sans doute promus à un certain avenir, même si leur existence est actuellement peu connue ou négligée de la plus grande partie de l’opinion dans un pays comme la France. La forme parti manifeste donc une vitalité incontestable.

« Si ces mouvements affirment généralement contester la forme partisane, la forme d’organisation qu’ils préconisent est pour l’instant encore assez vague »

S’il est certain qu’en France actuellement le système traditionnel des partis est ébranlé, il serait donc prématuré de prononcer un jugement définitif sur la mort des partis pour deux principales raisons. La première est que la situation actuelle des forces politiques en France a un aspect extrêmement conjoncturel et que son avenir de ce fait est assez incertain. La seconde, c’est que, comme on l’a dit, même si les organisations nouvelles peuvent avoir une structure différente de celle des anciennes, elles n’en sont pas moins des partis de facto, puisqu’elles sont amenées à s’insérer dans la vie politique traditionnelle d’un régime démocratique qui a ses propres exigences, très structurantes dans la durée et repose inévita­blement sur la nécessité de la délégation de pouvoir. On conclura qu’il paraît prématuré d’enterrer les partis, ce qui n’interdit pas de chercher à perfectionner leur organisation pour qu’elle réalise une symbiose efficace avec le mouvement populaire déterminant en dernière analyse.

Raymond Huard est historien. Il est professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université de Montpellier.
Cet article est une version très abrégée d’un exposé présenté à l’université d’été du PCF en août 2017.

Cause commune n° 4 - mars/avril 2018